Il était une fois, (épisode 8), un jour, en psychiatrie, une flèche noire et des cheveux rouges.
Nous installions la jeune patiente dans sa chambre.
L’ambiance était détendue et nous riions avec elle des divers objets saugrenus que contenait son vieux sac à dos, et qu’elle avait collectés au fil de ses aventures de “femme de la rue” comme elle se décrivait elle-même.
C’est lorsque je lui ai demandé de bien vouloir me donner le long collier qu’elle avait autour du coup que la bonne humeur a cessé et que son regard s’est brutalement obscurci.
Laura était une jeune femme d’une vingtaine d’années, très originale dans sa présentation. Les pompiers, alertés par des riverains excédés, étaient intervenus pour déloger cette squatteuse bruyante de l’entrée d’un immeuble devant lequel elle alertait les passants d’une fin du monde imminente.
Nous la recevions ce matin, après qu’elle nous ait été adressée au motif assez flou de troubles du comportement.
Sans domicile fixe et grande consommatrice d’alcool et de toxiques divers, elle avait le verbe haut et de longs cheveux rouges. Ses nombreux tatouages et piercings semblaient nous raconter une histoire des plus chaotiques que je ne connaissais pas encore.
L’un d’eux m’interpellait plus particulièrement. Sur sa main gauche, il représentait une flèche noire avec le long de celle-ci le message suivant : “Contre toi”.
Nous rangions avec peine, dans un grand sac transparent au nom de l’hôpital, les capsules de bière, papiers, Tour Eiffel en fer, morceaux de bois, paquets de gâteaux vides, livres déchirés, chapeaux de paille, poupées en plastique, grand crucifix et autres souvenirs amassés les jours passés. L’odeur de moisissure était forte mais puisqu’elle ne voulait rien jeter, nous gardions tout. Ses effets personnels allait être mis dans un placard en sécurité et nous continuions l’inventaire de ses affaires.
Dans notre service, il était convenu que tout objet potentiellement dangereux devait être retiré, la longue lanière de cuir qui lui servait de collier en était un.
En effet, nous craignions qui ne puisse servir d’outil de strangulation, à elle ou à un autre patient fragile.
Laura criait au scandale. Elle nous expliquait l’effet protecteur de ce collier qui lui avait été offert, et dont elle ne pouvait se défaire. Elle avait bien voulu nous laisser lui retirer le contenu de son sac, mais elle ne nous donnerait pas son “bijou”.
Devant sa colère montante, tout son corps s’agitait, sa longue chevelure rougeoyante et ses petits bras fins décrivaient de grands cercles qui nous donnaient presque le vertige.
Comme pour ne pas perdre pied, je fixais sa main gauche fléchée “Contre toi” ou contre moi…
Alors que l’admission de cette patiente prenait des allures rock and roll, mes collègues m’avaient rejoint et nous lui faisions tous face, espérant pouvoir récupérer rapidement l’objet sans avoir recours à la force. Mais au contraire, nous attisions sa colère jusqu’à son désespoir.
Désormais, ses cris devenaient des plaintes,ses insultes des supplications et sa flèche noire une impasse..
La situation m'échappait, je ne parvenais pas à entrer en contact avec cette patiente difficile et tendue.
C’est quand elle a décidé de partir et que nous devions l’en empêcher que ma collègue Germaine est entrée.
D’un regard complice, elle m’avait fait comprendre qu’elle allait prendre le relais.
C’est en questionnant Laura sur sa flèche qu’elle avait pu enclencher le dialogue, puis elle avait parlé de Paris et de sa Tour Eiffel, des livres et des gâteaux qu’elle aimait.
Puis elle avait parlé du collier.
Elle avait parlé de ce qu’il représentait pour elle, du vieil homme qui lui avait offert et qui ressemblait à son grand-père, il s’appelait Henri et était mort depuis, de la promesse qu’elle lui avait fait dans un moment solennel et peut-être alcoolisée de ne jamais s’en séparer, de la peur qu’elle avait des démons mais de cet objet qui la protégeait grâce au vieil homme auquel elle pensait souvent.
Germaine lui avait dit comprendre sa détresse et avait ainsi laissé son collier à Laura.
Tout au long de sa courte hospitalisation elle ne l’avait jamais retiré de son cou puis était repartie avec.
Dans l’équipe, nous n’étions pas tous d’accord avec cet entorse au règlement de notre vieille collègue.
Mais Germaine nous avait dit l’importance des petits objets parfois, des croyances de chacun et du règlement malléable qu’il fallait adapter pour instaurer la confiance et l’apaisement parfois.
Elle nous avait dit aussi les dangers qui pour certains n’en étaient pas.
Les dangers qui pour certains n’en étaient pas…
“Germaine… Mais que se serait-il passé si Laura ou quelqu’un d’autre s’était fait du mal avec ce collier, avec cette sangle, avec cette corde ?”
“Cher collègue… M’avait-elle répondu. Tout cela n’est pas très grave. Avec ou sans ce collier, pour celui qui le veut, il est possible de se faire du mal… Autant instaurer une relation de confiance sur laquelle elle pourra s’appuyer si cela ne va pas.”
Germaine…
Hier j’étais troublé.
Aujourd’hui j’ai compris.
Demain, pour créer un lien de confiance, je laisserai son collier à la patiente qui le veut… Peut-être… Non, en fait je ne sais pas.
Non je ne sais pas… Mais je lui parlerai de Paris, des gâteaux et de la flèche.
———————
(Évidemment toute ressemblance…!!!)
Nous installions la jeune patiente dans sa chambre.
L’ambiance était détendue et nous riions avec elle des divers objets saugrenus que contenait son vieux sac à dos, et qu’elle avait collectés au fil de ses aventures de “femme de la rue” comme elle se décrivait elle-même.
C’est lorsque je lui ai demandé de bien vouloir me donner le long collier qu’elle avait autour du coup que la bonne humeur a cessé et que son regard s’est brutalement obscurci.
Laura était une jeune femme d’une vingtaine d’années, très originale dans sa présentation. Les pompiers, alertés par des riverains excédés, étaient intervenus pour déloger cette squatteuse bruyante de l’entrée d’un immeuble devant lequel elle alertait les passants d’une fin du monde imminente.
Nous la recevions ce matin, après qu’elle nous ait été adressée au motif assez flou de troubles du comportement.
Sans domicile fixe et grande consommatrice d’alcool et de toxiques divers, elle avait le verbe haut et de longs cheveux rouges. Ses nombreux tatouages et piercings semblaient nous raconter une histoire des plus chaotiques que je ne connaissais pas encore.
L’un d’eux m’interpellait plus particulièrement. Sur sa main gauche, il représentait une flèche noire avec le long de celle-ci le message suivant : “Contre toi”.
Nous rangions avec peine, dans un grand sac transparent au nom de l’hôpital, les capsules de bière, papiers, Tour Eiffel en fer, morceaux de bois, paquets de gâteaux vides, livres déchirés, chapeaux de paille, poupées en plastique, grand crucifix et autres souvenirs amassés les jours passés. L’odeur de moisissure était forte mais puisqu’elle ne voulait rien jeter, nous gardions tout. Ses effets personnels allait être mis dans un placard en sécurité et nous continuions l’inventaire de ses affaires.
Dans notre service, il était convenu que tout objet potentiellement dangereux devait être retiré, la longue lanière de cuir qui lui servait de collier en était un.
En effet, nous craignions qui ne puisse servir d’outil de strangulation, à elle ou à un autre patient fragile.
Laura criait au scandale. Elle nous expliquait l’effet protecteur de ce collier qui lui avait été offert, et dont elle ne pouvait se défaire. Elle avait bien voulu nous laisser lui retirer le contenu de son sac, mais elle ne nous donnerait pas son “bijou”.
Devant sa colère montante, tout son corps s’agitait, sa longue chevelure rougeoyante et ses petits bras fins décrivaient de grands cercles qui nous donnaient presque le vertige.
Comme pour ne pas perdre pied, je fixais sa main gauche fléchée “Contre toi” ou contre moi…
Alors que l’admission de cette patiente prenait des allures rock and roll, mes collègues m’avaient rejoint et nous lui faisions tous face, espérant pouvoir récupérer rapidement l’objet sans avoir recours à la force. Mais au contraire, nous attisions sa colère jusqu’à son désespoir.
Désormais, ses cris devenaient des plaintes,ses insultes des supplications et sa flèche noire une impasse..
La situation m'échappait, je ne parvenais pas à entrer en contact avec cette patiente difficile et tendue.
C’est quand elle a décidé de partir et que nous devions l’en empêcher que ma collègue Germaine est entrée.
D’un regard complice, elle m’avait fait comprendre qu’elle allait prendre le relais.
C’est en questionnant Laura sur sa flèche qu’elle avait pu enclencher le dialogue, puis elle avait parlé de Paris et de sa Tour Eiffel, des livres et des gâteaux qu’elle aimait.
Puis elle avait parlé du collier.
Elle avait parlé de ce qu’il représentait pour elle, du vieil homme qui lui avait offert et qui ressemblait à son grand-père, il s’appelait Henri et était mort depuis, de la promesse qu’elle lui avait fait dans un moment solennel et peut-être alcoolisée de ne jamais s’en séparer, de la peur qu’elle avait des démons mais de cet objet qui la protégeait grâce au vieil homme auquel elle pensait souvent.
Germaine lui avait dit comprendre sa détresse et avait ainsi laissé son collier à Laura.
Tout au long de sa courte hospitalisation elle ne l’avait jamais retiré de son cou puis était repartie avec.
Dans l’équipe, nous n’étions pas tous d’accord avec cet entorse au règlement de notre vieille collègue.
Mais Germaine nous avait dit l’importance des petits objets parfois, des croyances de chacun et du règlement malléable qu’il fallait adapter pour instaurer la confiance et l’apaisement parfois.
Elle nous avait dit aussi les dangers qui pour certains n’en étaient pas.
Les dangers qui pour certains n’en étaient pas…
“Germaine… Mais que se serait-il passé si Laura ou quelqu’un d’autre s’était fait du mal avec ce collier, avec cette sangle, avec cette corde ?”
“Cher collègue… M’avait-elle répondu. Tout cela n’est pas très grave. Avec ou sans ce collier, pour celui qui le veut, il est possible de se faire du mal… Autant instaurer une relation de confiance sur laquelle elle pourra s’appuyer si cela ne va pas.”
Germaine…
Hier j’étais troublé.
Aujourd’hui j’ai compris.
Demain, pour créer un lien de confiance, je laisserai son collier à la patiente qui le veut… Peut-être… Non, en fait je ne sais pas.
Non je ne sais pas… Mais je lui parlerai de Paris, des gâteaux et de la flèche.
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(Évidemment toute ressemblance…!!!)
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